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15/10/2023

A l’heure de la désinformation et des amalgames, il y avait besoin d’apporter des clarifications sur les interventions non médicamenteuses




La société savante internationale Non-Pharmacological Intervention Society (NPIS) présente, lors de son sommet mondial organisé à Paris et en distanciel du 16 au 18 octobre, son référentiel des interventions non médicamenteuses (INM) et les premiers protocoles. Le professeur Grégory Ninot, président de la NPIS, revient sur une démarche scientifique participative qui doit faciliter l’accès aux INM et changer la donne dans la prévention et le soin.


Propos recueillis par Renaud Degas avec Géraldine Bouton.

Qu’est-ce qu’une intervention non-médicamenteuse (INM) ? 

Grégory Ninot : Il s’agit d’un protocole immatériel de soin ou de prévention qui vise à traiter un trouble de santé identifié par la médecine conventionnelle. L’INM n’est pas une recette à appliquer mais bien un protocole à personnaliser en fonction du contexte de santé, encadré par un professionnel qualifié. Elle n’est ni un dispositif médical, ni un médicament, ni un geste chirurgical. En revanche, l’INM peut leur être complémentaire.

Il existe aujourd’hui un grand nombre d’INM qui n’ont pas été répertoriées, ni intégrées dans les formations des acteurs de la santé. L’enjeu est d’améliorer les pratiques en continu et surtout de les faire connaître au plus grand nombre, y compris aux décideurs.


Un référentiel des INM sera présenté cette semaine lors de votre sommet mondial organisé du 16 au 18 octobre, à Paris. Comment l’avez-vous élaboré ?

G.N. : Nous travaillons depuis 2011 et le fameux rapport de la Haute Autorité de Santé sur le sujet. Il a fallu élaborer un cadre d’évaluation consensuel puis le soumettre aux autorités de santé, aux sociétés savantes... Ce référentiel permettra de partager les protocoles d’INM labellisés aux usagers et aux professionnels de santé. Ce travail de clarification sur la base d’une démarche scientifique rigoureuse et intègre permettra aux financeurs que sont l’Assurance maladie, la Sécurité sociale des agriculteurs, les complémentaires santé ou tout autre acteur du social, de décider des conditions de leur prise en charge.

Parallèlement, le référentiel des INM, accessible en ligne, a été créé pour collecter les retours d’expérience des usagers et des professionnels de santé. Il permettra d’améliorer et de sécuriser les pratiques, mais aussi de partager la connaissance et améliorer la formation. Le référentiel multilingue dont la portée se veut internationale sera officiellement inauguré le 16 octobre.


Que trouvera-t-on sur cette plateforme ? 

G.N. : Au lancement, dix INM seront disponibles pour les soins durant les traitements du cancer du sein et pour la prévention du risque de chute et des troubles cognitifs chez la personne âgée, respectivement à la demande de l’Assurance maladie et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. L’ambition est que cette bibliothèque couvre tous les problèmes de santé selon un process d’expertise rigoureux en accord avec les recommandations générales de santé publique et les recommandations internationales des sociétés savantes en santé. Un moteur de recherche permet de formuler des requêtes par problème de santé.

Le référentiel présente la liste des INM validées dans trois domaines : le premier concerne le corps avec, entre autres, des protocoles de kinésithérapie, d’ergothérapie, d’activités physiques adaptés… Le deuxième domaine concerne les interventions psychosociales avec des protocoles d’éducation thérapeutiques, des programmes de prévention santé, des psychothérapies, par exemple. Enfin, le troisième domaine traite des programmes nutritionnels avec des solutions diététiques spécifiques aux troubles de santé identifiés.

Cette base de données recense des protocoles immatériels et universels de prévention, de soin et d’aide à l’autonomie qui pourront être proposés par le professionnel et tracés via un code unique. Ce code facilitera demain l’intégration des INM dans les logiciels métiers, leur identification par systèmes IA et leur administration dans les plateformes de suivi des parcours patients.


Plateforme, référentiel… En quoi tout ce travail peut-il œuvrer à la reconnaissance des INM ?

G.N. : A l’heure de la désinformation et des amalgames, il y avait besoin d’apporter une clarification sur les INM afin qu’elles ne soient plus confondues avec les médecines alternatives, des activités socio-culturelles ou des recommandations générales de santé publique du type « bougez plus » ou « mangez moins gras, salé, sucré ».

Par ailleurs, l’Assurance maladie, les Agences régionales de santé, les complémentaires santé, les collectivités territoriales, les fondations, les associations de patients financent parfois des programmes à l’aveugle sans connaître le bénéfice réel de ces pratiques, ni leur risque. Notre travail va leur permettre de s’appuyer sur des retours concrets et améliorer l’efficacité de certaines prises en charge.

Collecter des usages pour alimenter la recherche et améliorer la pratique nous semble être, avec le vice-président de la NPIS Michel Noguès, un cercle vertueux. Le professionnel sera mieux reconnu. Pour le patient, c’est la garantie d’un bénéfice démontré scientifiquement et demain, d’un meilleur remboursement.


Après votre Sommet international, quelles seront les prochaines grandes étapes pour le NPIS ?

G.N. : Il y a un enjeu de mobilisation, celle des chercheurs et des praticiens qui connaissent des INM afin qu’ils les soumettent pour enrichir le référentiel. Qu’il s’agisse de soin ou de prévention, nous estimons à 10 000 le nombre d’INM pouvant être intégrées.

Deuxième enjeu, les partenariats. La NPIS doit nouer des relations solides et durables avec l’ensemble des parties prenantes, notamment avec les autorités de santé, les sociétés savantes, les organisations professionnelles et les associations de patients. Les expertises que nous proposerons doivent être co-construites et surveillées de manière permanente. Nous avons besoin de ressources humaines et financières notamment pour accélérer la complétion et la mise à jour du référentiel.

Troisième enjeu, le développement de cette innovation française en Europe et l’international. Un forum est organisé avec le soutien de l’INSERM à Bruxelles le 5 décembre prochain pour discuter des questions d’harmonisation scientifique, réglementaire, économique et technique. Le NPIS Summit rendra compte chaque année des avancées. Rendez-vous est donné à Paris en octobre 2025 et 2026. Nous consolidons ensemble un patrimoine universel de solutions de prévention, de soin et d’aide à l’autonomie fondées sur la science.